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Rendez-vous de l’éducation inclusive – L’apport des neurosciences à la recherche sur l’inclusion

Tous les mois, découvrez un article sur la thématique de l’inclusion scolaire.

Les sciences de l’éducation, la psychologie ou encore les sciences juridiques sont des disciplines abreuvant les travaux de recherche sur l’éducation inclusive.

Entretenons-nous aujourd’hui avec Alice Gomez, maître de conférences à l’INSPÉ de l’académie de Lyon (Université Lyon 1 et chercheuse à l’Institut des sciences cognitives Marc Jeannerod, UMR CNRS 5229) sur les liens qu’entretiennent les neurosciences avec l’éducation inclusive.

Quels sont les principaux apports des neurosciences aux travaux de recherche sur l’éducation inclusive ?

Tout d’abord, l’intérêt pour les sciences du cerveau chez les enseignants a toujours été très important. Les enseignants, comme chacun d’entre nous, forment des représentations sur la manière dont le cerveau de leur élève fonctionne. Cependant, ces représentations se forment à partir des sources d’informations auxquelles ils sont soumis. Ces sources sont de différentes natures : politiques, commerciales, syndicales, etc…bref soumis à des courants de (la) pensée pas nécessairement fondés scientifiquement. Il existe déjà chez les enseignants des représentations sur la manière dont l’activité mentale est régie par notre cerveau. Cependant, il a été montré que plus de 65% des enseignants adhèrent à des neuromythes, tels que le styles d’apprentissages, les intelligences multiples, la dominance hémisphérique, et l’utilisation de seulement 10% de son cerveau (Dekker, et al, 2012; Howard-Jones, 2014; Tardif, et al. 2015). Ces enseignants vont appuyer leurs pratiques sur ce que l’on nomme des neuromythes, des croyances infondées (ou carrément fausses) sur le fonctionnement du cerveau humain. Le problème émerge quand ces croyances sont employées à tort pour modifier leurs pratiques d’enseignement. L’esprit est donc pour les sciences de l’apprentissage en général et notamment en ce qui touche au fonctionnement du cerveau, de promouvoir des pratiques éducatives qui sont fondées sur des données factuelles (et non sur des croyances).

En effet, ce que l’on appelle parfois « neuroéducation» peut être considérée comme une discipline naissante mais qui est également soumise à une surmédiatisation. Les médias ont tendance, sans forcément en être conscients, à surfer sur certains biais cognitifs du grand public et en particulier pour ce qui nous intéresse ici des enseignants. Ces biais dans le domaine du cerveau ont été surnommés les biais de neuroenchantement.

Qu’est-ce que le neuroenchantement ?

C’est une crédulité induite spécifiquement par le langage, les images ou les méthodes issus des neurosciences. Quand on explique un fait psychologique, il va générer plus d’intérêt s’il contient une information neuroscientifique. Dans une expérience, devenue classique, (Weisberg et al. , 2008, JOCN), on demande aux participants de juger de la véracité de différentes explications d’un phénomène psychologique. On fournit alors des explications qui sont soit correctes (e.g., « Les chercheurs affirment que ce ‘trouble’ vient du fait que les sujets peinent à modifier leur point de vue pour considérer ce qu’un autre sait, et projettent leurs propres connaissances par erreurs. »), soit incorrectes (e.g., « Les chercheurs affirment que ce ‘trouble’ vient du fait que les sujets font davantage d’erreur que lorsqu’ils doivent juger les connaissances d’un autre individu. Les individus sont meilleurs pour juger ce qu’ils savent eux-mêmes. »). On observe qu’au sein d’un public d’étudiants lambda assez naturellement les explications qui sont correctes sont jugées comme plus correctes (que celles qui sont incorrectes), ce qui est rassurant et logique. Le neuroenchantement apparait lorsque l’on ajoute dans certaines de ces propositions un langage neuroscientifique qui est inutile mais en lien avec le cerveau (par exemple pour la proposition correcte : « L’imagerie fonctionnelle indique que ce ‘trouble’ a lieu à cause des circuits des lobes frontaux, connus pour être impliqués dans la connaissance de soi. » Les sujets peinent à modifier leur point de vue pour considérer ce qu’un autre sait, et projettent leurs propres connaissances par erreurs.» et pour la proposition incorrecte : « L’imagerie fonctionnelle indique que ce ‘trouble’ a lieu à cause des circuits des lobes frontaux, connus pour être impliqué dans la connaissance de soi. » Les sujets font davantage d’erreurs que lorsqu’ils doivent juger les connaissances d’un autre individu. Les individus sont meilleurs pour juger ce qu’ils savent eux-mêmes.

Dans ces conditions, si on ajoute à ces explications la mention de régions cérébrales, les propositions vont être globalement jugées comme plus correctes et ceci même pour des explications fausses (une explication incorrecte pouvant atteindre un seuil de crédibilité équivalent à une réponse correcte). Il a été montré que les experts neuroscientifiques sont heureusement moins sensibles à ce biais de neuroenchantement. Mais les enseignants qui sont de grands consommateurs de neuro-éducation appartiennent à la catégorie des novices et non pas des experts. Ils ne sont probablement pas tous en mesure de prendre le recul nécessaire pour juger de l’utilité d’un résultat pour leurs pratiques éducatives. Il semble donc essentiel d’élever le niveau d’expertise des enseignants de manière générale afin de réduire les risques d’adhésions à ces phénomènes de neuroenchantement.

Dans une autre expérience classique, il a été montré que lorsque l’on juge de la véracité d’une étude scientifique et du bien-fondé d’un raisonnement scientifique, par exemple, quand on est confronté à un résultat scientifique sur les réseaux sociaux, twitter, facebook, sur des journaux de vulgarisation, type cerveau et psychos, ou dans des livres… on attribuera un score plus important lorsque la description du résultat est associée à une image de cerveau que lorsqu’elle est simplement associée à un histogramme qui représente exactement le même résultat.

Sans doute qu’une partie du neuroenchantement s’appuie sur le pouvoir de persuasion de ces images de cerveaux, qui pourraient donner une forme physique à des phénomènes cognitifs abstraits et qui génèreraient du coup une certaine affinité simplificatrice du phénomène, une aisance qui nous donne l’impression que l’on a mieux compris et donc qui nous pousse à y adhérer (ce que l’on nomme fluence perceptive).

Alors qu’est-ce que les enseignants peuvent attendre de la neuroéducation ? Steve Masson, chercheur canadien, et instigateur d’un mouvement fort en faveur de la neuroéducation la définissait en 2012 comme « Une approche qui étudie les mécanismes cérébraux liés aux apprentissages scolaires et à l’enseignement dans le but de mieux comprendre et parfois d’apporter des pistes de solution à certaines problématiques éducatives ».

Il y a deux idées dans cette définition. D’abord, celui de permettre aux enseignants de comprendre leurs pratiques à la lumière des connaissances sur le cerveau. C’est un lien qu’on qualifiera de conceptuel. Et ceci me semble effectivement louable, possible et utile : c’est sur cet aspect que je reviendrai dans une deuxième partie pour l’éducation inclusive. C’est également ainsi que je perçois mon rôle de formatrice au sein des INSPÉ, la place d’un passeur de connaissances scientifiques issues des neurosciences cognitives afin de favoriser l’éducation pour tous.

Par contre, la deuxième idée qui pourrait être véhiculée par cette définition, c’est que le niveau d’analyse du cerveau des neurones et des neurotransmetteurs qui est celui des neurosciences pourrait également permettre d’apporter des prescriptions sur le « comment faire en classe », c’est à dire le niveau des sciences de l’éducation ou de la didactique.

L’articulation des neurosciences avec les autres disciplines liées à la thématique de l’école inclusive permet d’éclaircir la place des neurosciences dans cette équation. La Figure 1, inspirée des propositions de Willingham présente l’existence de différents niveaux d’analyses dans les disciplines gravitant autour de l’éducation. En effet, on peut voir que les neurosciences ont un niveau d’analyse bien plus bas et moins intégré que les sciences de l’éducation, la psychologie ou la sociologie. A l’inverse, les neurosciences, comme chaque niveau, ont des techniques d’analyses qui leur sont propres et qui permettent une compréhension de mécanismes spécifiques.

Comment s’articulent les neurosciences avec les autres disciplines liées à la thématique de l’école inclusive ? (sciences de l’éducation, sciences juridiques, etc)

De nombreux scientifiques avant moi ont pointé les risques de cette deuxième idée (les neurosciences prescriptives pour la classe). L’un de ces risques, c’est d’essayer de sauter un niveau d’analyse, celui du comportement et de la psychologie. En réalité, on ne peut pas établir de preuve de l’efficacité d’une méthode d’apprentissage sans passer par le niveau d’analyse intermédiaire qui est celui de la psychologie. La preuve de l’efficacité d’une approche pédagogique se fait nécessairement sur le niveau du comportement de l’enfant ou de l’apprenant et pas uniquement sur le niveau de son cerveau, de ses neurones, de ses neurotransmetteurs, c’est un raccourci trompeur (Horvath, 2016 ; Bruer, 1997).

Figure 1 : Niveau d’analyse de différentes disciplines gravitant autour des sciences de l’éducation.

En d’autres termes, si, pour les chercheurs en neurosciences, en effet, les modifications cérébrales induites par une pratique pédagogique, un apprentissage, un entrainement, sont intéressantes pour mieux comprendre les mécanismes cérébraux en jeux, pour les enseignants, seul l’observation d’une modification du comportement est une preuve de l’efficacité d’une méthode par rapport à une autre.

En effet, si on observe une modification du fonctionnement cérébral (par exemple une augmentation des activations dans les régions tempo-pariétales et frontales inférieures gauche, qui sont connues pour être impliquées dans la lecture suite à un entrainement à la lecture) mais sans modification du comportement (pas d’amélioration du déchiffrage, de la compréhension etc..), on ne peut rien conclure en terme d’apprentissage. A l’inverse, si on n’observe que des modifications comportementales (amélioration des compétences en lecture), sans modifications cérébrales alors cela reste néanmoins pertinent pour les enseignants (bien que cela ne bénéficie pas du biais de neuroenchantement).

Donc, s’il existe de nombreux travaux dits de “neuroéducation” qui sont d’excellentes qualités et portent sur les conditions d’apprentissages scolaires, ces recherches relèvent davantage du domaine de la psychologie cognitive qui emploient effectivement des techniques modernes d’analyse du comportement que du domaine des neurosciences cognitives.

Actuellement, les neurosciences permettent avant tout un apport conceptuel, c’est-à-dire une compréhension des mécanismes cérébraux qui contraignent les apprentissages scolaires et notamment dans le cadre de l’éducation inclusive. Parmi les principaux apports des neurosciences cognitives à l’enseignement, on peut notamment citer les travaux sur la mémorisation et son substrat cérébral (potentialisation à long-terme dans l’hippocampe, voir les travaux de Kandel, prix Nobel),et de manière générale les phénomènes de plasticité cérébrale et de recyclage neuronale (Dehaene et Cohen, 2007), les fonctions exécutives et leurs maturations tardives (dans les régions frontales, Gogtay, 2004, PNAS), la notion de période sensible (notamment dans les domaines visuels, langagiers ou aux phénomènes d’attachement, pour une revue récente sur ce thème voir par exemple, Hensch et Bilimoria, Cerebrum, 2012). Ces nombreuses connaissances, si elles sont enseignées pourraient permettre de réduire (mais pas faire disparaitre totalement. Macdonald, et al. 2017) l’adhésion à des neuromythes tels que les intelligences multiples, les styles d’apprentissages, l’usage de 10% de son cerveau, la perception de lettres inversées dans la dyslexie etc … (pour aller plus loin, voir l’excellent article d’Elena Pasquinelli sur le site Synapse). La notion de style d’apprentissage en particulier est un neuromythe particulièrement délicat dans le domaine de l’éducation inclusive. Le problème majeur est que l’efficacité de l’hypothèse de faire correspondre le style de l’apprenant au style d’enseignement n’a jamais été démontrée (Evans et Vermunt, 2013). Pourtant, dans les revues scientifiques spécialisées en éducation, il semblerait que les publications actuelles continuent à porter un message ambiguë sur cet aspect, ce qui rendrait l’extinction de ce neuromythe délicat au sein de la communauté éducative (Newton, Front Psych, 2015).

A présent, si l’on s’intéresse aux avancées dans le domaine de la psychologie cognitive pour l’éducation inclusive, elles sont très nombreuses et déjà au cœur de la formation des enseignants spécialisés (CAPPEI). Il suffit d’éplucher le contenu des modules de formation et le référentiel de compétences de l’enseignant spécialisé en annexes du BO CAPPEI pour s’en assurer.

Ces avancées portent d’une part 1) sur la compréhension des fonctions cognitives aux services de l’apprentissage et d’autre part 2) sur les répercussions scolaires des troubles.

La première va permettre de produire des recommandations en terme d’efficacités de l’enseignement La compréhension des fonctions cognitives aux services des apprentissages scolaires portent par exemple sur les mécanismes cognitifs de la lecture, de l’écriture, des compétences mathématiques, du raisonnement, etc… mais également sur les étapes de ce développement cognitif avec l’âge. Parmi ses connaissances, celle sur les mécanismes de mémorisation : effet du test, effet de l’effort cognitif, effet d’un entrainement espacé… semblent des incontournables pour tout enseignants. Dans le domaine de la lecture par exemple, notre équipe a développé un outil d’aide à l’apprentissage de la lecture fondé sur les apports des sciences cognitives du point de vue du traitement précoce des informations visuo-attentionelles. L’efficacité a été évaluée positivement dans un contexte scolaire de CP sur l’académie de Lyon (Digitrack, les résultats ont été présentés à Lyon dans le cadre de la 1ère journée de neuroéducation). Cet outil constitue une aide qui peut être déployée facilement en classe en fonction de groupes de besoins pendant les séances d’aide pédagogique de l’enseignant spécialisé. L’outil permet non seulement d’accélérer l’apprentissage de la lecture ne tenant compte de cette composantes cognitives mais il permet également de fournir une information très précise sur les modalités d’exploration de l’enfant qui constitue une observation précise des compétences de l’enfant sur les stratégies d’exploration du texte qui reste souvent inaccessible à l’enseignant. Pour ces apports, des ouvrages de références sont proposés dans la section bibliographie.

La seconde avancée va permettre aux enseignants de former une représentation plus juste des répercussions scolaires des troubles neurodéveloppementaux, tel que le trouble du spectre de l’autisme, les déficiences intellectuelles, les troubles des apprentissages, troubles du langage, trouble de la coordination motrice…. Les apports issus de la neuropsychologie de l’enfant, des sciences cognitives, de la psychiatrie constituent une source fondamentale d’informations sur les besoins des élèves, notamment en situation de handicap. C’est la connaissance des compétences, des forces, des stratégies cognitives et des besoins cognitifs de ces personnes qui présentent des déficiences neurocognitives dans certains domaines. La connaissance ne réside pas uniquement dans le fait d’établir des retards à la norme mais bien d’établir des modalités de fonctionnement cognitifs différents qui peuvent dans certains domaines être supérieur à ceux d’une population neurotypique. A titre d’exemple, dans nos travaux nous avons identifié avec précision les mécanismes cognitifs impactés dans le domaine mathématique chez les enfants de 7-10 ans avec un trouble de la Coordination Motrice ou dyspraxie. Ces travaux permettent d’établir des recommandations pour la scolarité des élèves dyspraxiques (ANAE N°151). Les études scientifiques (Gomez et al. 2017 ; 2015) permettent d’établir par exemple que les élèves dyspraxiques sont en grandes difficultés pour estimer des quantités, et pour effectuer du « subitizing » notamment en raison de mouvements des yeux qui perturbent la prise d’information. Cependant, les compétences de dénombrement ne sont pas non plus préservées, probablement en raison d’une prise d’information oculaire qui est inadaptée. L’absence d’accompagnement pédagogique spécifique et précoce sur les activités de dénombrement chez ces élèves pourrait ainsi freiner le développement de leurs compétences d’estimation numérique. Ces connaissances précises sur les mécanismes cognitifs permettent d’établir des préconisations de pédagogies adaptées aux besoins de ces élèves. Par exemple, il semble préférable de ne proposer des activités de dénombrement que si un contrôle de l’exactitude du comptage est possible pour l’enfant (par exemple, avec un retour exact informatisé, un pair plus expert, ou un adulte –AESH, ou enseignant). De plus, il semble préférable de limiter les activités de dénombrement qui ne permettent pas de construire une représentation du nombre exacte par la répétition comme cela se fait pour d’autres élèves en maternelle. Pourtant, ces recherches permettent d’établir que les élèves dyspraxiques ont des compétences de raisonnement mathématiques préservés, qui leur permettent par exemple de se représenter des proportions sur une ligne numérique. Du point de vue pédagogique, il semble ainsi souhaitable de changer de posture pour ces élèves et leur permettre d’entrer dans des activités d’un pallier conceptuel supérieur malgré l’existence de difficultés « de bases » comme le calcul, la comparaison de quantités, le dénombrement. Il est alors possible d’adapter en limitant le recours aux représentations spatiales pour apprendre les concepts mathématiques en favorisant le raisonnement et la logique langagière. Cette démarche fondée sur les sciences cognitives pour permettre l’accessibilité pédagogique est au cœur de nombreuses propositions actuelles telles que celle que réalise ma collègue Caroline Huron avec l’équipe du Cartable Fantastique.

Ces travaux permettent également d’établir des trajectoires développementales typiques, des jalons développementaux, utiles aux enseignants pour repérer des signes d’appels de la difficulté scolaire. Dans cette démarche de repérage, notre équipe à développer un outil de repérage des signes d’appels du trouble du spectre de l’autisme basés sur des techniques modernes d’analyses du comportement d’exploration d’une image (Digitrack). Le repérage de ces signes d’appels est indispensable dans une démarche d’éducation inclusive pour accompagner les familles vers un parcours de soin mais pas uniquement. Le repérage de ces difficultés va permettre à l’enseignant et l’équipe pédagogique plus largement, même en dehors de tout parcours diagnostics, d’identifier des réponses pédagogiques adaptés aux besoins cognitifs de l’élève.

C’est donc bien au travers des liens entre mécanismes cognitifs et répercussions sur les apprentissages scolaires que les sciences cognitives constituent une source d’information indispensable à l’éducation inclusive pour permettre l’accessibilité pédagogique pas uniquement du point de vue de la compensation des supports mais également en permettant de sélectionner de manière pertinente un cœur de cible d’un objectif pédagogique et le rendre accessible en tenant compte des besoins cognitifs.

Quelle place ont aujourd’hui les neurosciences dans les formations consacrées à l’école inclusive en INSPE ?

La masse de connaissance scientifique à disposition des enseignants reste encore souvent méconnue des enseignants dits ordinaires, une condition indispensable au réel développement d’une éducation inclusive. En effet, en France, la question actuelle se pose tout simplement sur la place accordée aux formations consacrées à l’école inclusive au sein des maquettes MEEF. Si la durée de formation initiale n’est pas infinie, il semble indispensable que les enseignants s’engagent dans des formations continues pour approfondir ces connaissances. C’est ce que propose les Masters MEEF Pratique et Ingénierie de la Formation (PIF) tels que le Master 2 Education Inclusive de l’Inspé de Lyon ou d’autres formation universitaires tels que le Diplôme Universitaire Education Pédagogie Neuropsychologie de Lyon.

Quels sont les derniers apports scientifiques des neurosciences à ce sujet ?

Les neurosciences ouvrent à plus long terme des potentialités en terme d’utilisation de techniques biomédicales en vue d’une neuroamélioration. Ces techniques sont spécifiques car elles se situent à l’interface entre le milieu médical et le milieu pédagogique et en ce sens elles peuvent effectivement relever du domaine de la neuroéducation. En effet, certains développement actuels d’outils deviendront peut-être les outils quotidiens des enseignants spécialisés du futur pour accompagner notamment les situations de handicap dans le cadre scolaire. Parmi ces technologies relevant des neurosciences et qui pourrait permettre de faciliter l’accessibilité pédagogique les interfaces cerveau-machines ouvrent un champ de possibles notamment pour des enfants porteurs de handicap périphériques (qui n’altèrent pas le fonctionnement du cerveau mais des organes de locomotion ou phonatoires.).

En effet, les interfaces cerveau machine renvoient à un ensemble de dispositifs permettant à un individu d’effectuer des tâches sans solliciter ses bras, mains, jambes ou son appareil phonatoire. Ce type de dispositif permet de contrôler un ordinateur, une prothèse ou tout autre système automatisé à partir de l’activité du cerveau. Ces interfaces peuvent constituer des applications supplétives et seraient en mesure d’apporter des gains d’accessibilité déterminants, notamment sous la forme d’aides techniques personnalisées:  « faire quand on ne le peut pas » (Sagot, 2008). Par exemple, elles pourraient permettre d’écrire un texte en l’épelant sans avoir besoin de recourir à ses mains pour des personnes en situation de handicap moteur majeurs (Renton, Mattingley, Painter, Sci report, 2019).

Ces interfaces pourraient constituer des outils au service de l’enseignant et de l’apprenant pour compenser une déficience qui empêcherait l’accès à un savoir ou l’autonomie dans la réalisation d’une tâche scolaire. Concrètement, les enseignants spécialisés auprès d’élèves infirmes moteurs peinent parfois à établir une communication à des visées pédagogiques lorsque la motricité globale est interrompue. Dans ce cadre, on imagine aisément à quel point une interface vocale générant des réponses simples à partir de l’activité cérébrale pourrait être utile dans le cadre d’une paralysie globale (voir Vansteensel et Jarosiewiczl, Handbook of Clinical Neurology, 2020 pour une revue). Les potentialités s’articulent avec le domaine des technologies actuelles pour permettre de mieux adapter l’environnement des tâches scolaires aux besoins de l’enfant. Ainsi, pourrait on permettre de lever des obstacles de « bas niveau » pour que l’élève puisse accéder à des apprentissages de haut niveau.

Ces potentialités soulèvent évidemment en premier lieu des questions éthiques qui ont fait l’objet d’un rapport du comité consultatif nationale éthique (n°122). Ce comité alerte notamment sur des dérives concernant l’autonomie des personnes face à ces techniques, la liberté d’usage de ces techniques de neuroamélioration et notamment pour des enfants en contexte scolaire qui plus est pour des personnes vulnérables. Comme toutes avancées scientifiques elles devront être accompagnées de réflexions éthiques et philosophiques en raisons des problématiques d’équité sociales, au vu de leurs couts potentiels. Clairement, les recherches dans ce domaine en contexte scolaire n’existent pas encore et devraient se conformer aux recommandations éthiques du comité consultatif national sur les expérimentations en situations réelles (n° 139).

 

Quelques éléments de biographie permettant d’aborder cette thématique

 

Compréhension des fonctions cognitives aux services des apprentissages scolaires

  • Willingham, D. T. (2010). Pourquoi les enfants n’aiment pas l’école! La Librairie des écoles
  • Brown, P. C., Roediger, H. L., McDaniel, M. A., & Pasquinelli, E. (2016). Mets-toi ça dans la tête!: les stratégies d’apprentissage à la lumière des sciences cognitives. Editions Markus Haller.
  • Hattie, J. (2020). L’apprentissage visible pour les enseignants: connaître son impact pour maximiser le rendement des élèves. PUQ.
  • Eustache, F., & Guillery-Girard, B. (2016). La Neuroéducation: La mémoire au coeur des apprentissages. Odile Jacob.
  • Lachaux, J. P. (2015). Le Cerveau funambule: Comprendre et apprivoiser son attention grâce aux neurosciences. Odile Jacob.
  • Pasquinelli, E. (2015). Mon cerveau, ce héros: mythes et réalité. le Pommier.
  • Pasquinelli, E. (2015). Du labo à l’école: science et apprentissage. Le Pommier.
  • Dehaene, S. (2011). Apprendre à lire: des sciences cognitives à la salle de classe. Odile Jacob.
  • Dehaene, S. (2010). La bosse des maths, quinze ans après. Odile Jacob. (Nouvelle édition de 2014)
  • Dehaene, S. (2007). Neurones de la lecture (Les): La nouvelle science de la lecture et de son apprentissage. Odile jacob.
  • Hattie, J. (2020). L’apprentissage visible pour les enseignants: connaître son impact pour maximiser le rendement des élèves. PUQ.
  • Willingham, D. (2018). Pourquoi les enfants n’aiment pas lire. La librairie des écoles.
  • Mazeau, M., Pouhet, A. (2018). Dans le cerveau de mon enfant : la révolution des neurosciences – Tout le développement de l’enfant de 0 à 6 ans. Horay.
  • Mazeau, M., Pouhet, A. (2018). Bien apprendre à l’école – Lire, écrire, compter – Ce qui change avec les neurosciences. Horay.

Former une représentation plus juste des répercussions scolaires des troubles

  • Habib, M. (2018). La constellation des dys: Bases neurologiques de l’apprentissage et de ses troubles. De Boeck Supérieur
  • Mazeau, M., & Pouhet, A. (2014). Neuropsychologie et troubles des apprentissages chez l’enfant: du développement typique aux dys. Elsevier Masson. (2e édition de 2017)
  • Lussier, F., Flessas, J. Neuropsychologie de l’enfant. Dunod. 2009
  • Billard, C., & Touzin, M. (2008). Troubles spécifiques des apprentissages: l’état des connaissances.
  • Alin, C. (2019) L’autisme à l’école le pari de l’éducabilité. Mardaga.

Les rapports et recommandations de l’INSERM sur certains troubles

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